Petit Bestiaire

Petit Bestiaire

Petit Bestiaire

Pas de place pour la tristesse dans Petit Bestiaire, car la nature invite à la liesse et à la créativité.

15 € TTCprochainement

AuteurChristian Cosberg
Date de sortie14/04/2025
Nb pages102
Format11.8x17.8
ISBN978-2-491645-76-2

Petit Bestiaire ou « l’au-delà des mots »

Ce n’est pas par hasard qu’un auteur, par ailleurs coutumier, comme l’est Christian Cosberg, d’autres formes littéraires telles que le roman ou la nouvelle, en vient à écrire des haïkus. Le petit poème constitue d’abord un regard sur le monde perçu à travers les cinq sens, une rencontre avec le réel, une émotion à l’état pur, un ressenti physique :

comme l’abeille 
le nez 
dans la fleur d’amandier 

Ainsi, dans sa préface à Haïku, Yves Bonnefoy affirme que cette poésie ne se formule pas mais, plus rapide, se fait élan vers l’objet, fusion avec lui, et silence. 

Elle pousse l’individu à exprimer son shiori, ou sa sympathie envers le monde. Elle a donc pour effet de le ressourcer, en le réconciliant avec le concret, la simplicité. Pour qui veut prétendre à écrire, un tel retour aux sources est nécessaire, parce qu’il réinvente en permanence la surprise et la vie. 
Petit Bestiaire fourmille de ces instants volés au quotidien, dont se délecte le gourmet pour en extraire le nectar, la matière première de sa poésie. 

Quels meilleurs moyens pour approcher l’essence des choses que de suivre la course d’un papillon, de voler aux côtés de l’oiseau, de chanter avec la cigale ? Tout haïjin averti sait le respect dû à nos amies les bêtes, passagères elles aussi d’un monde qu’elles recréent à chaque printemps, redonnant à la perception son intensité première. 
Alors, tout imprégné de ces existences un peu différentes mais si proches, le poète va-t-il ressentir plus profondément la complicité et la complémentarité qui le lient à elles. Lui qui sait, il peut bien s’autoriser des clins d’œil mêlés d’éclats de rire : 

sous la fenêtre de sa voisine 
la cigale chante 
fourmi fourmi fourmidaaable 

Pas de place pour la tristesse dans Petit Bestiaire, car la nature invite à la liesse et à la créativité. Christian Cosberg invente mille facéties, jeux de mots, glissements et détournements de sens, anagrammes, homophonies, jeux de sonorités... 
 
Humble mais vif d’esprit, le haïjin ne se prend pas au sérieux ; il use de tous les ressorts du langage et de sa fantaisie pour animer le texte, s’absorbant aussi bien dans la contemplation du vol d’un cormoran que dans celui d’un citron pressé, allant jusqu’à revêtir l’habit d’un magicien capable de faire pleuvoir des tourterelles, de changer un papillon en passager de tramway ou de métamorphoser la cétoine devenue sous sa plume bijou de femme. 
 
Les illustrations animalières de Joëlle Ginoux-Duvivier ne sont pas en reste. Son trait de crayon allègre ajoute de la légèreté à la légèreté et de la fraîcheur à la fraîcheur. C’est avec beaucoup de plaisir qu’on les découvre au fil des pages, inventives à souhait, expressives, aérées, entretenant avec les haïkus un dialogue haut en couleur. 
 
Le narrateur est bien présent dans ses haïkus, mais il n’est pas question ici d’un MOI ostentatoire. Le JE apparaît en filigrane, à la faveur d’un sourire, d’une plaisanterie ou d’un dérapage verbal. Christian Cosberg, qui connaît les vertus de l’autodérision, ne se prive pas d’en user. Ainsi, parlant du règne animal, il parle à demi-mots de lui, sans craindre de se muer tour à tour en vache qui meugle, oiseau chanteur ou lézard au soleil… 
 
Toujours prudent, il n’hésite pas non plus, lorsqu’il recourt à la première personne, à s’intercaler entre chien et loup ou se faire bête parmi les bêtes, quitte à partager son thé avec les grenouilles. 
 
Il lui arrive aussi, au gré d’une brève allusion à un souci de santé, par exemple, de préférer évoluer dans le flou artistique de la troisième personne, tout en prenant soin d’assaisonner son discours d’une franche drôlerie : 
 
Mais, derrière son regard amusé, l’auteur abrite une rare sensibilité, enclin qu’il est à toujours rechercher l’au-delà des mots, dans un espace déployé aux limites du sens. 

petit matin 
je traverse un chant 
d’oiseaux 

Cultivant en permanence l’ambigüité, Christian Cosberg conduit le lecteur à s’interroger sans relâche sur le réel, et à franchir des frontières inexplorées, aux dimensions démultipliées. N’est-ce pas là ce que nous sommes en droit d’attendre d’une poésie digne de ce nom ?

Danièle Duteil

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